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L’histoire de la scolarité à Bierghes commence vers 1825. A cette époque, les communes de Saintes et Bierghes avaient uni leurs efforts en vue construire un établissement scolaire destiné à recevoir les enfants de l’endroit et leur donner une base d’enseignement. Il n’existe que peu de renseignements relatifs à cette époque , à part une note du registre des délibérations du Conseil communal de 1825 stipulant que, suite à une circulaire du commissaire de district en vote du 14 septembre 1826, les communes de Bierghes et Saintes ont construit à frais communs une école primaire de langue néerlandaise.
Cette école établie à la limite des deux communes avait été érigée par M. Alphonse Boulet, nommé par les conseils communaux respectifs le 18 décembre 1828, puis par Eugène Lebègue, nommé le 20 juillet 1829 et installé dans sa fonction le 10 avril 1830. Des dépense diverses ont été faites pour des réparations au bâtiment (20 florins en 1831, des peintures des boiseries (50 francs en 1832), réparations au faîte du toit (60 francs en 1833). En 1834, rien n’avait été alloué, l’école ne nécessitant pas de travaux. C’est tout ce que l’on sait de cette époque.
Le 29 mars 1843, une demande est adressée à la députation permanente tendant à obtenir l’autorisation de louer le bâtiment de l’école à un certain M. Piessens. Celui-ci sera chargé d’y installer un pensionnat et d’y recevoir aussi les élèves externes provenant des communes de Saintes et Bierghes qui désirent y prendre des leçons. Le 18 mars de cette année, le Conseil communal de Bierghes décide de consacrer le prix de la location du bâtiment d’école à l’instruction primaire. On note aussi dans une délibération datée le 28 juin 1843 que l’école ne répond pas aux besoins ressentis par la classe indigente de la commune. Entre autres arguments, il avance que la commune s’est vue obligée de construire cette école par le gouvernement hollandais de l’époque, que toute résistance aux injonctions de ce gouvernement était inutile. L’emplacement choisi resterait un vecteur de discorde, l’usage obligatoire de la langue hollandaise constitue une mesure vexatoire à l’encontre des enfants et les éloigne de l’école. Enfin que les enfants pauvres de la commune s’y trouvent rebutés par ceux des classes plus aisées.
Plan de l’école communale de Bierghes- 19 avril 1876 (Archives communales de Rebecq)
Liste des enfants pauvres fréquentant l’école de Bierghes en 1857-1858 (Archives communales de Rebecq
Dans les petites localités rurales, l’enseignement est très peu répandu et les enfants sont plus souvent utilisés aux travaux à la ferme plutôt qu’envoyés à l’école. Le curé aussi souhaite voir se donner un véritable établissement scolaire au sein de sa paroisse. Son combat contre l’ignorance l’amènera à chercher et finalement trouver un instituteur: il s’agit d’Hubert Bultiau, ex sergent de l’armée hollandaise qui, pour subvenir aux besoins de sa famille tisse du lin et cultive un lopin de terre. De conduite exemplaire, il sait lire et écrire et a le don de faire le récit de ses pérégrinations lorsqu’il servait dans l’armée.
Les gens l’écoutent volontiers raconter ses aventures et tout naturellement, cet homme acquiert une notoriété dans le village de Bierghes. Le curé, M. Crols, lui propose alors d’y ouvrir une école. Bultiau accepte la proposition et s’en va parfaire ses connaissances à Tubize pendant quelques semaines. Il aménage ensuite une des chambres de son habitation afin d’y faire la classe. D’environs 25m2, celle-ci est basse et mal éclairée, contient quelques bancs sommaires pour les plus grands enfants, un pupitre et une chaise pour le maître, ainsi qu’un tableau noir. Les garçons s’assoiront d’un côté tandis que les filles de l’autre.
Sans être un rustre, Bultiau a une stature et un comportement qui inspire la crainte et le respect. De nature sévère, il maintient naturellement l’ordre et la discipline au sein de sa classe. Il y a même plusieurs punitions prévues en cas de dissipation: coups de baguette sur le dos de la main; rester à genoux sur un chevalet,, les bras en croix une casquette dans chaque main; correction manuelle; mise au trou (dans la porcherie); renvoi définitif des incorrigibles. Ces punitions seront infligées en fonction de la faute commise.
Lors de la mauvaise saison, on peut compter environs 70 à 80 élèves fréquentant la classe du maître Bultiau. Mais dès que le temps se prête aux travaux agricoles, les rangées d’enfants s’en trouvent fort clairsemées.
Les matières enseignées consistent en:
le catéchisme, prenant la moitié du temps des cours.
Le calcul par dans la lecture des chiffres inscrits au tableau.
La lecture commence en premier lieu par l’étude de la croisette et se poursuit par la lecture d’un livre de prières ou d’un article de journal que les enfants amènent de chez eux et qu’ils lisent debout, près du maître, devant les condisciples.
L’écriture s’apprend avec des plumes d’oie et des feuilles de papier données par le maître. Les enfants les plus aptes à cet exercice copient des modèles pendus au gîtage de la pièce.
La géographie est enseignée sous forme d’anecdotes vécues par Bultiau, au cours de sa vie militaire.
Le professeur travaille sous l’autorité directe du curé qui visite l’école régulièrement et dirige les études. Les enfants de 4 à 5 ans y sont admis et l’écolage leur coûte 7 sous par mois. Les parents les plus démunis payent en tissant du lin que leur procure le curé. Pas de vacances, le jeudi et le samedi, la classe fonctionnait. La seule fête est la Saint-Grégoire que l’on célèbre avec cérémonie: tous vont à la messe où ils entonnent des cantiques. Après quoi, on revient à l’école où sont étalés les travaux des élèves que les parents examinent attentivement.
Bien que cette institution jouisse d’une excellente réputation et que beaucoup de parents désirent y inscrire leurs enfants, le résultat de l’enseignement prodigué reste bien mince et la plupart des enfants quittent l’école en ne sachant pas lire. Cette école fonctionnera jusqu’en 1842, date à laquelle elle sera supprimée et remplacée par une école libre dirigée par Guillaume Dilbeck. Il existe aussi une école privée pour fillettes sise dans un hameau de Bierghes qui est dirigée par une dame Habils, elle fermera ses portes en 1841. Elle sera remplacée par une autre école libre dont la directrice sera Léocadie Mahy
Ernest Lawarie et ses élèves en 1890 (Fond Jespers)
Rose Hoyois (à gauche) et Ernest Lawarie (à droite) avec les élèves en 1903 (Fond Jespers)
La promulgation de la loi du 23 septembre 1842 instituant l’enseignement primaire oblige l’autorité communale de Bierghes d’étudier le moyen d’implanter un système scolaire communal répondant aux exigences légales. M. Bultiau et Mme Habils ne répondant plus aux critères pour enseigner cessent leurs fonctions et sont remplacés par M Dilbeck et Mme Mahy que le curé institue comme enseignants libres. Ces derniers étudieront en vue d’obtenir le brevet leur permettant d’enseigner qu’ils obtiennent finalement avec l’agréation de l’inspection scolaire.
Après la résiliation du contrat qui unissait les communes de Bierghes et Saintes en matière scolaire depuis presque 20 ans, le Conseil communal biergheois décide d’allouer une somme d’argent aux sieurs Dilbeck, père de l’instituteur et Dieudonné Mahy, père de l’institutrice pour mettre à la disposition des enseignants une partie de leurs habitations respectives. Les moyens pécuniaires de la commune ne permettent pas, à l’époque d’acquérir un terrain et d’y ériger un quelconque bâtiment à usage scolaire. Les deux enseignants reçoivent donc une indemnité de l’administration communale et peuvent travailler plus à l’aise. Il est décidé que Mme Mahy aura une classe de fille tandis que M Dilbeck enseignera les garçons.
En 1842, on remarque que 32 élèves sont inscrits et que la commune a inscrit dans son budget 1843 50 centimes par enfants jusqu’à concurrence de 40 francs. En 1943, les centimes additionnels sont portés de 7 à dix centimes afin de subvenir aux frais de l’instruction publique, M. Dilbeck est nommé instituteur communal avec un traitement de 200 francs l’an, le nombre des enfants pauvres est fixé à 16 garçons et 50 filles et l’école de Mme Léocadie Mahy reçoit son agréation. Jusqu’en 1847, le nombre d’enfants pauvres admis est porté à 59 garçons et 55 filles.
De 1842 à 1885, le secteur scolaire de la commune évoluera au fil du temps de manière significative. Outre la vente de la maison la maison de l’école occupée par M. Piessens, la commune fait l’acquisition de 6 pupitres, 24 encriers, 1 collection de poids et mesures, un bureau et une armoire pour la classe de M. Dilbeck (1848), l’acquisition d’un terrain et construction d’une école (1856-1859)
En 1859, pour la première fois, l’école communale de Bierghes ouvre ses portes. Un règlement scolaire est institué et affiché; il y est stipulé entre autres que chaque élève a droit à un espace de 75 dm2 et de 3 à 4 m3. Tous les élèves doivent être inscrits ou porteurs d’un billet d’admission délivré par le Collège communal et doivent être vaccinés. Une rétribution est fixée à 9 francs l’an et payable par trimestre entre les mains du Receveur communal.
Mme Mahy qui a épousé M. Havau entre temps, est mise à la retraite en 1861. Il est décidé que G. Dilbeck pourra reprendre et gérer la classe des filles en plus de celle des garçons dont il a la charge.
Depuis son entrée en fonction en tant qu’enseignant, Guillaume Dilbeck fit tout ce qui était possible pour faire en sorte que les enfants dont eut la charge apprennent au moins le minimum: lire et écrire. Le peu de moyens mis à sa disposition, sa formation quasi autodidacte et la manière avec laquelle il s’est formé au fur et à mesure que les années passaient nous prouvent que cet homme avait la vocation presque sacrée à combattre l’ignorance atavique des populations les moins favorisées de Bierghes, à donner un enseignement le plus adapté possible à chaque enfant, sans discrimination. De 1842 à 1885, il prodigua son enseignement à un nombre incalculable d’élèves et après avoir démissionné de son poste, il fut élu conseiller communal, puis membre du Conseil de la Fabrique d’Eglise et président du Bureau communal de Bienfaisance. Il décéda en 1894.
Mme Bossaert avec sa classe en 1916 (Fond Jespers)
Alberte Lawarie et sa classe en 1912 (Fond Jespers)
Affiche de l’adjudication pour travaux complémentaires et ameublement du 14/08/1896 (arch. Commnuales)
Plans du mobilier du 26 avril 1876. Une partie de ce mobilier sera encore utilisé après 1945 Ci-dessous, plan de l’école gardienne de Bierghes (14/05/1930) (Archives communales de Rebecq)
Suite à la mise à la retraite de Guillaume Dilbeck, le poste d’instituteur de l’école de Bierghes devient vacant. Ernest Lawarie, diplômé de l’école normale de Verviers avait remplacé le sous-instituteur communal depuis le 3 novembre 1882. Il est nommé par le Conseil communal le 13 avril 1885 et installé officiellement dans sa fonction d’instituteur le 21 du même mois avec un traitement de 1000 francs pour les 8 derniers mois de l’année. Par la suite, son traitement sera variable car il a été décidé que son salaire serait en rapport avec le nombre d’élèves inscrits.
La classe inférieure de l’école est tenue par Lydie Dilbeck de 1874 jusqu’en 1895, date à laquelle elle est mise en disponibilité. Elle est remplacée par Melle Rosa Hoyois, diplômée de l’école normale de Bastogne et qui remplit les fonctions d’intérimaire à Bierghes depuis 1er août 1893. Son traitement de 1896 est fixé à 1050 francs. En 1900 on compte aussi dans l’équipe professorale de l’école de Bierghes un sous-instituteur, M. Arthur Dossogne qui a fait ses études à Malonne et qui a un traitement de 1000 francs.
A l’arrivée d’Ernest Lawarie, en 1885, l’école est constituée de deux classes contigües, de préaux couverts et lieux d’aisances de part et d’autre du bâtiment. D’un côté se trouve la cour de récréation des garçons, de l’autre, celle des filles. Dans chaque classe se trouvent une douzaine de bancs-pupitres, d’un bureau pour l’instituteur, de collections de poids et mesures et de petits tableaux d’intuition ainsi que de cartes géographiques. La plupart de ce matériel est déjà fort ancien et ne répond plus appropriés aux exigences de l’enseignement de qualité: les bancs ne sont pas adaptés aux élèves, les cartes ont été, au cours des années, surchargées d’annotations diverses, les tableaux d’intuition se révèlent être trop petits, donc illisibles. En outre, la ventilation et l’éclairage des classes sont insuffisants. Chaque année, le nombre d’enfants fréquentant l’école augmentant, on est obligé d’acquérir dans l’urgence des bancs. C’est une situation qui va durer jusqu’en 1896. C’est alors que le Conseil communal introduit une demande auprès du Gouverneur tendant à remédier à cet état de choses. Le mobilier est remplacé au fur et à mesure, l’éclairage et la ventilation améliorés. Toutes ces modifications permettent de diffuser un enseignement de qualité dans des conditions acceptables. En 1900, une 3ème classe est créée et il est décidé d’ériger deux nouveaux préaux et d’agrandir les cours de récréation.
Au cours de cette période, l’Administration communale de Bierghes n’a pas hésité à consentir à l’amélioration des conditions de vie et d’enseignement de son école permettant par cela d’offrir aux enfants de la commune les meilleurs moyens d’apprendre. En 1900, l’école est mixte, la classe supérieure comprend le 3ème degré et la 2ème année du degré moyen tandis que la classe inférieure a la 1ère année du degré moyen et le 1er degré.
Si la population scolaire s’élevait en 1885 de 74 garçons et de 63 filles, on comptabilise 87 garçons et 90 filles à l’aube du nouveau siècle. Outre que toutes les matières prévues par le programme éducatif sont enseignées, il est à noter qu’une société de tempérance et une société de petits protecteurs des animaux ont été établies et que l’épargne scolaire est pratiquée. La classe de Mme Hoyois est enfin dédoublée: elle s’occupera des filles de 3ème et M. Dossogne des garçons de la même année. La classe supérieure reste mixte.
Ernest Lawarie profite du passage d’un siècle à l’autre pour commenter la situation de l’enseignement à Bierghes. Il confie:
« Il ne nous appartient pas de savoir si les efforts que nous faisons répondent aux vœux des familles qui nous confient leurs enfants. Néanmoins, nous estimons être tile de signaler les résultats officiels. Comme autre résultats, nous ferons remarquer que la plupart de nos élèves quittent notre école pour le travail: les uns vont aux carrières, les autre cultivent le sol et d’autre apprennent un métier.
Pour exprimer sincèrement notre opinion, nous dirons que nous ne conseillons pas aux parents de nos campagnes d’envoyer leurs enfants dans les villes, non, nous faisons en sorte que les enfants confiés à nos soins deviennent d’excellents ouvriers, de bons cultivateurs et n’aillent pas grossir le nombre de déclassés des villes, hélas, en trop grande abondance!
La commune de Bierghes, ainsi que nous l’avons montré, a toujours attaché une grande importance à l’instruction des enfants. Pendant la période allant de 1931 à 1852, les parents s’efforçaient d’envoyer leurs enfants chez Bultiau, ils suivaient avec intérêt leurs petits travaux. Les gens aisés encourageaient la fréquentation scolaire. A la période suivante, les faits que nous avons signalés le prouvent: l instruction de la jeunesse fut autant l’objet de la préoccupation des administrateurs que des parents. Enfin, de 1885 à nos jours, le zèle des habitant ne se relâcha point: la Commune, avons-nous vu plus haut, a fait de grands sacrifices pour l’instruction de la jeunesse.
Plusieurs vieillards nous ont dit: « Quelle différence entre les écoles d’aujourd’hui et celles de notre jeunesse! Ils ont parfaitement raison, leur exclamation est juste.
Anciennement, aucune loi d’hygiène n’était observée, l’éclairage, l’aérage l’espace dévolu aux enfants, rien n’était observé. Les moyens disciplinaires étaient peu en rapport avec la dignité de l’enfant et n’agissaient aucunement sur son caractère et sur son cœur.
Les méthodes employées étaient peu rationnelles et aucunement conformes aux lois de la pédagogie. La seconde période nous montre déj) un grand progrès. Toute la partie matérielle est améliorée, le personnel enseignant se met au courant des meilleurs procédés d’enseignement, les conférences, les concours et les inspections aident à cette marche vers le progrès, les principes pédagogiques sont suivis et l’instruction se développe de plus en plus. Il ne s’agit plus de savoir lire, il faut savoir écrire, compter et rédiger. Il n’est plus permis à personne, actuellement, de croupir dans l’ignorance. »
Ernest Lawarie prit sa retraite en 1928. Il avait commencé sa carrière d’enseignant en 1882. Il décéda le 25 janvier 1952. Sa fille, Alberte suivit les traces de son père et commença à enseigner en 1912, ministère qu’elle poursuivit jusqu’en 1950.
La famille Lawarie en 1920 devant l’école de Bierghes (Fond Jespers)
L’école communale de Bierghes en 1900 (fond Jespers)
La classe de M. Brien, en 1935
Alberte Lawarie dans sa classe en 1934 (Fond Jespers)
Fin de l’année scolaire en 1932: on sent que les vacances approchent!
Les 6ème et 7ème en 1934 - Melle Lawarie et ses élèves en 1934
Sources: L’important travail de collecte d’informations qu’a entrepris Mme Véronique Jespers dans les archives de sa famille nous ont permis d’évoquer de manière assez précise l’époque lointaine des débuts de l’éducation à Bierghes. Ces informations ont été complétées par des recherches faites dans les archives de la commune de Rebecq qui, depuis 1988 rassemblent celles de Bierghes. Nous tenons à la remercier de nous avoir confié les photographies de famille, témoignage extraordinaire de la vitalité de l’institution scolaire de Bierghes.