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Depuis des générations, tout au long de notre histoire locale, la bière a été un élément essentiel de la vie courante populaire. La fabrication du breuvage national a été en constante évolution jusqu’après la guerre 40 -45. La commune de Rebecq a compté jusque 5 brasseries: Brasserie des Templiers (Mary & Hayette), Solvay & Delcorde, Brasserie de l’Union (Derrider & Vanderperre), Brasserie Vandermies, Brasserie de la Ferme de la Danse (R. Hautain tandis que Quenast a vu deux exploitations brassicoles sur son territoire: Vanham et Lefèbvre qui, seule subsiste à ce jour:
L’écoulement de la marchandise se faisait principalement dans le village et dans ses environs immédiats. Les carrières de porphyre sises à Quenast et Rebecq employaient alors un personnel nombreux qui, après une journée de dur et contraignant labeur, se répandait dans les cafés jalonnant le chemin du domicile. La plupart de ces établissements se situaient dans des habitations privées et souvent modestes. Vendre de la bière constituait pour les ménages un apport financier supplémentaire bienvenu. On mettait donc la pièce avant de la maison à la disposition du public. Il n’y avait pas comme actuellement de pompes à bière et l’épouse qui était en même temps tenancière descendait à la cave où se trouvaient les tonneaux, au frais. Elle en remplissait un grand broc qu’elle remontait afin de servir les verre des clients. L’intérieur de la salle du café était, à l’instar du reste de la maison, sobrement aménagée: quelques tables et chaises, éventuellement un comptoir, peut-être un dressoir, quelques chromos sur les murs, ou peut-être le calendrier des postes... Les jours de kermesse et de ducasse, on sortait un éventaire sur le pas de la porte en vue d’atteindre le plus de badauds consommateurs.
Reçu du paiement de la taxe sur la bière produite par les religieuses de l'hospice, le 19 mai 1706 (Archives Rewisbique)
Un des nombreux cafés où se dégustait la bière brassée dans la commune (Archives Rewisbique)
Le brasseur livrait ses fûts régulièrement. Afin de fidéliser sa clientèle, car il n’était pas souvent seul sur le marché, une fois les tonneaux commandés descendus à la cave, il offrait une ou quelques tournées aux clients. Il était dans les habitudes de certains consommateurs d’être toujours présents le jour de la livraison... Et ils ne se gênaient pas de refaire la même chose dans les établissements fournis par d’autres maîtres-brasseurs. C’était un bon moyen de ramasser une « guinse » à bon compte! Quant au brasseur, il avait, en général plusieurs clients sur sa tournée. C’est ainsi qu’il rentrait souvent chez lui ayant ingurgité un nombre de chopes impressionnant. Heureusement que le cheval avait l’habitude et connaissait le chemin de retour...
Le métier de brasseur nécessitait un savoir faire et une grande rigueur dans la fabrication de la bière. Le moindre faux-pas pouvait engendrer la perte d’un brassin, si la bière n’était pas bonne, les clients n’hésitaient pas à aller à la concurrence. Les brasseries de la fin du XIXème siècle et de la première moitié du XXème sises à Rebecq, Quenast et Bierghes étaient des petites entreprises familiales. Les sommes engagées dans les installations représentaient un capital conséquent et il fallait rentabiliser son investissement le plus rapidement possible. C’est ainsi que les familles de brasseurs acquirent au cours du temps un statut de notabilité enviable. Des Solvay, Derrider devinrent par exemple maïeurs de Rebecq, fin 1800 et début 1900.
La brasserie de l’Union - Derrider & Vanderperre, à Rebecq (Archives Rewisbique)
La brasserie Vandermies s’étendait sur quatre maisons actuelles de la rue Colson. Voici ce qu’en disait Edouard Cornet à Xavier Kayart le 25 août 1975:
« Après étude des documents remis par M. Remy Meurant, complétés par mes notes, on peut avancer qu’avant 1860, une brasserie exploitée par M. Sylvain Vandermies existait rue Basse à Rebecq et comprenait tout l’emplacement occupé par le bloc d’immeubles situé entre le « Masy » (actuelle pharmacie Brenard) et la maison du Dr Colson (actuellement du Dr Vanderheyden), soit les n° 38, 40, 42, 44 et 46 de l’actuelle rue Dr Colson.
La maison actuelle de M. Remy Meurant et la maison attenante occupée anciennement par feu M. Arthur Gilmont-Demeuldre (actuellement famille Legrain), soit les n° 38 et 40 constituaient le corps de logis de la brasserie avec au n° 40 un magasin pour la vente de charbon, huiles d’éclairage et épicerie. L’espace restant comprenait entrée cochère et bâtiments de la brasserie.
Sylvain Vandermies eut un fils, Charles et c’est la veuve de ce dernier, née Lemercier, qui dès 1862 prit toute l’affaire en charge. Son fils Adelin passe en 1865 une candidature vétérinaire.
Brasserie et commerce de charbon nécessitaient l’usage de chevaux, ce qui explique le certificat de saillie d’une jument en 1863.
Toute l’affaire dut être cédée vers 1880 à M. Victor Wyns qui en continua l’exploitation avec son épouse née Vanwaerenberghe. Elle fut rachetée ensuite par M Anthime Solvay-Marcoux, propriétaire en ce temps de l’ancienne brasserie Solvay. Il procéda à la récupération du matériel de fabrication et à la démolition des bâtiments d’exploitation pour y construire les trois maisons portant actuellement les n° 42, 44 et 46. La première fut destinée à son usage personnel,.
La doyenne de Rebecq, Mme Vve Fontiny-Decoster que j’ai questionnée à ce sujet a vu encore la brasserie Wyns en activité et j’ai connu personnellement le magasin d’épicerie existant encore au n°40 et tenu en ce temps par Mme Arthur Gilmont-Demeuldre. Tout ceci reste évidemment totalement indépendant de l’immeuble du « Masy » dont la destination la plus ancienne reste à découvrir. »
La brasserie Solvay et Delcroix à Rebecq (Archives Rewisbique)
Publicités de la bière rebecquoise (Archives Rewisbique)
L’origine de la brasserie Lefebvre, située à Quenast, dans la vallée de la Senne, remonte en 1876. En cette année, Jules Lefebvre, garde-chasse, fermier, aubergiste et malteur, inaugure sa nouvelle brasserie. Des cafés sont ouverts autour des carrières de porphyre avoisinantes pour que les nombreux ouvriers, assoiffés par le travail de la pierre, puissent venir s’y désaltérer.
En 1916, pendant la guerre, la brasserie est démantelée, suite à la réquisition des métaux par les Allemands. En 1921, au lendemain de la première guerre mondiale, Auguste Lefebvre, fils de Jules, déménage la brasserie du centre du village vers une colline avoisinante pour fuir les inondations annuelles de la Senne. La nouvelle brasserie vient alors s’installer dans une brasserie en faillite, à l’endroit où se tiennent les bâtiments actuels. En 1921, Gaston Lefebvre, troisième génération, modernise la brasserie en démarrant notamment la mise en bouteille de la bière qui vient élargir la gamme de conditionnement de la bière, qui se résumait, jusqu’à lors, aux fûts de 30, 50 et 100 litres.
En 1932, des cuves cylindro-coniques sont installées à la brasserie. Cet apport technique permettra à la brasserie, pendant un certain temps, de jouir d’une certaine avance technologique dans le milieu brassicole. Durant la période 1940-1945, la guerre et la mort de la femme de Gaston feront ralentir l’activité.
La brasserie n’est pas démantelée mais l’obligation de produire exclusivement une bière à faible taux d’alcool (maximum 0.8% de volume d’alcool) touchera toutes les brasseries. Cette obligation à pour effet de renforcer le ralentissement de l’activité. En 1953, et ce jusqu’en 1987, la brasserie devient aussi un négociant en boissons. En 1960 Pierre Lefebvre prend la relève alors que les carrières avoisinantes réduisent leurs activités. Une nouvelle bière fait son apparition : la Porph-Ale. Titrant 5% de volume d’alcool et issue de la haute fermentation, cette bière tirait son nom de la pierre locale. En 1966, une autre bière voit le jour : la Super-Houblo, de type scotch, titrant 6% de volume d’alcool. En 1975, Philippe Lefebvre, 5ème génération entre à son tour dans la brasserie. Depuis, les petits enfants de Pierre sont impliqués dans l’entreprise familiale.
Depuis, l’entreprise s’est agrandie et modernisée pour répondre aux exigences du marché. Les nombreux règlements en matière sanitaire et alimentaire ne permettent plus de visites des installations. Notre fleuron industriel quenastois résiste aux grands consortiums tout en s’implantant à l’étranger grâce à la qualité de ses produits qui gardent malgré la mécanisation de l’outil de fabrication un caractère artisanal indéniable. La dernière bière née en 2010 du savoir-faire des maîtres brasseurs de Quenast est la Hopus.
Et ce n’est pas de la petite bière!
Jules et Arthur Lefèbvre, brasseurs à Quenast, en 1895
La brasserie Lefèbvre de Quenast, en 1910
La brasserie Lefèbvre de Quenast, en 1960